Imaginez que vous achetiez cette nouvelle paire de baskets de Nike ou d’Adidas. Succès commercial assuré. Peut-être même des ruptures de stocks dans les premiers jours de vente (la fameuse stratégie de la rareté) qui exciteront les amateurs, déjà prêts à débourser plus que le prix public affiché par les revendeurs.

Imaginez ensuite que, le modèle étant suffisamment pointu, sa rareté en face un produit recherché par les collectionneurs. Et la valeur de votre paire de sneakers (plus glamour que « baskets ») va monter en flèche.

Imaginez qu’un marché existe, comme une bourse, où les sneakers seraient cotées et où des ventes entre acheteurs et vendeurs seraient organisées, au plus offrant. Et vous possédez peut-être un actif patrimonial.

Imaginez enfin que vos bons plans vous permettent d’acheter en gros des paires de sneakers à prix cassé, pour les revendre avec marge aux non-initiés dès la sortie officielle, ou à des dealers qui tenteront leur chance à leur tour, comme vous avec votre première paire. Et vous avez un fond d’investissement.

Ajoutez deux ou trois influenceurs judicieusement choisis pour faire monter les enchères, et la machine s’emballe.

Cette histoire a bien lieu. Elle a sa place de marché, StockX, qui recense les modèles, trace leurs cotations et organise les achats-ventes. Que diriez-vous de cette paire de Nike Jordan 1 OG, modèle 1985, dernière paire vendue à 28 792 € ?

Business ou spéculation ?

On se souvient des sneakers Lidl, un coup réussi par le distributeur adepte du drop marketing : mises en vente en quantité limitée à 12,99 €, les baskets flashy se sont retrouvées à 1 000 € sur eBay quelques heures plus tard. Avec ce mode de fonctionnement, on est dans la spéculation. Chacun gagne sa marge jusqu’à ce que le dernier se retrouve avec une paire de baskets moches, achetées trop chères et invendables, sauf à casser le prix et à perdre sa culotte.

Les promoteurs de ce nouveau business – ou spéculation, on ne sait pas encore bien, pensent qu’un nouveau marché s’est ouvert, entre opportunisme, passion, gains rapides, bref, tous les attraits d’un nouveau marché, pas plus condamnable que les grands vins, les véhicules de collection ou les NFT d’artistes contemporains. Après tout, tant qu’un acheteur et un vendeur se mettent d’accord sur un prix, c’est qu’un marché existe.

Mais comme toujours, qui dit gros sous sans régulation dit arnaque au coin de la rue. L’été dernier, le FBI a mis sous les verrous le « Bernard Madoff de la sneakers ». Mickael Malekzadeh s’était fait un nom au pays de l’achat-revente de sneakers. Ferrari, Louis Vuitton… il portait sur lui des références autrement luxueuses que des baskets en plastique, fabriquées en grandes séries par des ouvriers sous-payés en Asie du sud est. Il s’était un peu avancé sur un nouveau modèle annoncé par Nike, vendant 600 000 paires en pré-commande à prix cassé, empochant l’argent de ses clients, mais ne parvenant pas à se les procurer et ne pouvant donc honorer ses ventes, ni rembourser ses clients, l’argent ayant été déjà brulé. Tous les attributs d’une pyramide de Ponzi. C’est ce à quoi on lui propose de réfléchir, au calme, pour les 30 prochaines années.

 

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