Amber Heard condamnée à payer 15 millions de dollars à Johnny Depp pour diffamation, au terme d’un procès aussi spectaculaire que médiatique : de quoi donner des idées à certains. Mais peut-on réellement gagner de l’argent avec un procès ?

2,9 millions de dollars pour un café trop brûlant pris chez Mc Donalds : en 1992, Stella Liebeck, une mamie alors âgée de 79 ans, obtiendra finalement 640 000 $ de dommages et intérêts.

8 milliards de dollars d’indemnisation : c’est la somme record à laquelle les laboratoires Johnson & Johnson ont été condamnés en 2019 pour indemniser Nicholas Murray, qui s’était fait prescrire un de leurs médicament et dont la poitrine avait subitement poussé…

Aux Etats-Unis, la justice a deux volets : la justice pénale qui sanctionne les fautifs, et la justice civile qui statue sur les dommages à verser aux victimes. Et c’est là que les tarifs s’envolent, proportionnellement à la surface économique du condamné.

Pour certains avocats, c’est même devenu un métier, quitte à créer des procès de toute pièce. Il n’est pas rare de voir certains de ces professionnels du droit démarcher eux-mêmes les potentielles victimes. Racontez-leur votre vie et ils trouveront qui attaquer en justice. Vous avez avalé un nuggets de travers ? Peut-être que KFC pourrait être déclaré responsable. Un pneu crevé ? Tentez votre chance avec Good Year… Vous glissez sur le sol humide et fraîchement nettoyé du supermarché ? Assignez l’enseigne, ou le fabricant de carrelage, ou le marchand de lessive…

La justice américaine a promu un autre moyen de gagner de l’argent : la médiation. Plutôt qu’une médiatisation coûteuse, même si le suspect à de bons arguments, mieux vaut négocier avec la supposée victime pour trouver un arrangement. Dans son affaire, accusé d’agression sexuelle sur la personne de Nafissatou Diallo au Sofitel de New York, Dominique Strauss-Kahn aurait concédé une transaction autour d’un million de dollars pour mettre un terme à la procédure et à sa ruineuse médiatisation.

La justice française paye moins bien

En France, l’argent n’est qu’accessoire dans la politique judiciaire. Les condamnations pécuniaires sont limitées. Les parents d’Alexia, assassinée par Jonathann Daval, demandaient plusieurs centaines de milliers d’euros au titre du préjudice affectif et médiatique : le père et la mère n’ont obtenu que 165 000 € en première instance, et une partie de la famille a été déboutée de ses demandes.

Lorsqu’une personne est victime d’une agression, la justice accorde des dommages et intérêts proportionnellement au préjudice subit pour couvrir les soins, par exemple. On ne fait pas fortune avec une indemnisation de l’ordre de 20 à 30 € par jour d’ITT accordé par un médecin, suite à l’agression.

D’une manière générale, la justice accordera à la victime le coût du préjudice matériel subit. Votre voisin fait écrouler la clôture sur votre voiture : il sera condamné à rembourser ce qui n’a pas été pris en charge par les assurances. Pas de quoi faire fortune en prétextant l’attachement sentimental à la peinture d’origine de votre Peugeot…

La justice de notre pays est beaucoup plus généreuse avec le droit du travail et le droit familial.

24 000 € aux Prud’hommes, en moyenne

Les Conseils de Prud’hommes ont compétence pour trancher lors d’un litige entre un employeur et son salarié. L’un et l’autre peuvent saisir les Prud’hommes, mais dans environ 80 % des cas, ceux-ci donnent raison aux salariés.

Une étude de 2017 estimait la condamnation moyenne à 24 000 €, mais l’addition peut monter bien plus haut selon les situations.

En 2016, la Société Générale avait été condamnée, en première instance, à verser 450 000 € à son ex-trader, Jérôme Kerviel, pour licenciement abusif et vexatoire. Plus récemment, Deliveroo vient d’être condamné, pour travail dissimulé, à verser 128 548 € à l’un de ses livreurs.

Du coup, c’est l’inflation des demandes. Quand l’employeur est fautif, les Conseils de Prud’hommes accordent des indemnités proportionnelles au salaire et à l’ancienneté du salarié. Mais il arrive également que le salarié soit condamné, y compris quand c’est lui qui assigne son employeur au tribunal.

Faveurs de la justice familiale

Désormais, plus d’un mariage sur deux finit en divorce. La justice des Affaires Familiales a pour mission de fixer le montant des pensions à verser à celui des deux conjoints qui pâtit économiquement du divorce. C’est essentiellement le cas lorsqu’il y a des enfants : la pension alimentaire doit servir à garantir le niveau de vie que les enfants avaient avant la séparation des parents. Evidemment, à proportion des rémunérations des uns et des autres.

Quant aux divorcés, les pensions accordées sont aussi proportionnelles aux ressources des deux conjoints séparés. Entre pension alimentaire et prestation compensatoire, quand l’un des deux ex-conjoints ne travaille pas, l’autre paye pour deux… Pour tout savoir sur ce sujet, lire cet article .

Même si la société tend à se juridiciariser avec la multiplication des procédures, la justice française répare ou compense, mais elle permet rarement de s’enrichir.

 

Crédit photo : Unsplash