Début 2022, la France compte 25 licornes, ces sociétés qui valent plus d’un million de dollars sans être cotées en bourse. Mais comment peut-on déterminer la valeur d’une entreprise ?

La valeur des sociétés cotées

Pour les sociétés cotées en bourse, la lecture est facilitée par le cours de bourse. Le cours, c’est à dire le prix d’une action auquel s’accordent acheteurs et vendeurs pour l’échanger entre eux, donne une lecture simple de la valeur d’une entreprise. On multiplie le cours par le nombre d’actions pour obtenir sa valeur boursière. A noter que la valeur boursière représente la valeur marchande d’une entreprise, pas sa valeur économique réelle. Ainsi, une société peut être sous-cotée (sa valeur réelle est supérieure à sa valeur en bourse) ou sur-cotée (l’inverse). La bourse comprend en effet une part de jeu, celui de l’offre et de la demande mais aussi celui de la psychologie des investisseurs. Si la bourse était rationnelle, on appliquerait une formule de calcul qui déterminerait la valeur de l’entreprise.

Les sociétés non cotées (“private equity”)

C’est exactement ce que l’on fait pour les sociétés non-cotées. On applique une formule de calcul. Encore faut-il s’entendre sur la formule : il y en a plusieurs.

Les méthodes d’évaluation patrimoniale

La logique de ces méthodes consiste à déterminer la valeur d’une entreprise en fonction de son patrimoine. On regarde l’actif et le passif que l’on réévalue pour tenir compte de la réalité économique. En effet, les méthodes comptables de la société ont peut-être sous évalué ou sur évalué sa valeur. Par exemple, un atelier n’a peut-être pas été valorisé au prix réel du marché immobilier. Ou un brevet n’a pas été suffisamment valorisé. Cette phase de réévaluation donne l’occasion à toutes les tractations entre cédant et repreneur.

Les méthodes d’évaluation selon les performances

Le principe est de déterminer la valeur d’une entreprise par rapport à un indicateur – clé de son modèle économique. Une société qui commercialise ses prestations par abonnement pourra être valorisée en fonction de la valeur attribuée à chaque abonné.

La méthode des flux de trésorerie disponible

Souvent appelée « DCF » cette méthode a le mérite de chercher à évaluer la valeur d’une entreprise en fonction de ses performances futures. Un calcul financier est appliqué en fonction des flux de trésorerie prévisionnels et d’hypothèses de valorisations. C’est la limite de cette méthode en apparence mathématique : les hypothèses sont par nature hypothétiques…

Les méthodes comparatives

Le principe est d’évaluer la valeur d’une entreprise en fonction de valeurs connues pour des entreprises comparables. Pour un hôtel, par exemple, on partira de chiffres connus pour des cessions récentes d’hôtels comparables en standing, en taille et en implantation. Applicable pour des activités réplicables, mais difficile à mettre en pratique quand vous évaluez une société unique dans son modèle ou rare dans son activité. De plus, chaque entreprise est unique dans ses résultats économiques : difficile d’appliquer à l’entreprise A, la valeur connue de l’entreprise B, dont la structure économique (un comptable dirait « bilancielle ») est complètement différente.

Les barèmes

L’avantage des barèmes est qu’ils sont applicables avec une lecture directe. On trouve pour cela différentes sources concordantes. Par exemples :

  • un hôtel de tourisme sera évalué de 200 à 800 fois sa recette journalière TTC
  • une société de transport routier : 50 à 90 % de son chiffre d’affaires annuel
  • une imprimerie : 5 à 40 % de son chiffre d’affaires annuel
  • etc

Ce qui va faire la différence entre les extrémités des fourchettes, ce sont différents critères comme la rentabilité, la trésorerie ou l’évolution du chiffre d’affaires.

Les barèmes sont principalement utilisés pour évaluer les commerces et les activités artisanales.

Comment évaluer des start up ?

Une start up est un projet d’entreprise naissant, qui souvent, n’a pas encore fait de chiffre d’affaires, mais a besoin de lever des fonds pour se développer. Pour cela, les investisseurs disposent de peu d’informations : comment mettre un prix sur ce qui n’a pas encore de valeur ? Les investisseurs qui font l’acquisition d’une part du capital de ces sociétés essaient d’évaluer la valeur future du projet. Dans la réalité, ils essaient surtout d’imaginer à quelle échéance et à quel prix ils pourront revendre leurs parts. Et pour se convaincre qu’ils vont réaliser une bonne affaire, ils observent le modèle économique, le marché, la qualité de l’équipe, et celle des autres actionnaires…

Combien valent les sociétés en dépôt de bilan ?

Toutes les méthodes que nous venons de voir ne s’appliquent qu’à des sociétés qu’on appelle « in boni », c’est à dire « en vie ». Pour les sociétés en dépôt de bilan, deux cas de figures :

Les sociétés en redressement judiciaires : c’est le cas des sociétés qui ont déposé leur bilan mais auxquelles le Tribunal de Commerce accorde un sursis pour qu’elles puissent tenter de poursuivre leur activité, notamment en nommant un administrateur judiciaire, qui va épauler les dirigeants. Leur but est de redimensionner la société pour qu’elle puisse poursuivre, et souvent en cherchant un repreneur. Dans son projet, celui-ci va s’engager à conserver certaines parties de l’entreprise et en laisser d’autres, et notamment les dettes. Nettoyée de ce qu’elle doit, la société devient immédiatement plus saine. C’est ainsi qu’on entend parler de « reprise pour 1€ symbolique ». C’est faussement vrai. Oui, on peut reprendre une société en dépôt de bilan pour seulement 1€, si le projet est jugé fiable par le tribunal, mais c’est souvent au prix d’investissements et d’apports de liquidités, notamment pour payer le personnel repris le temps que l’activité redémarre.

Les sociétés en liquidation judiciaire : le tribunal les a placées en liquidation, autant dire qu’il en a constaté le décès. Ces sociétés n’existent plus en tant que personnes morales, mais elles ont toujours des actifs (locaux, stocks, machines, contrats commerciaux…) : vous pouvez donc acheter tout ou partie de ces actifs, vendus au plus offrant et en général au prix de la casse, sachant que le tribunal fera son possible pour en tirer le meilleur prix afin de rembourser les dettes de la société, au moins en partie.

Pour qu’il y ait un prix, il faut qu’il y ait un acheteur

Pour fixer le prix d’une entreprise, il existe donc plusieurs approches. Très souvent, cédants et repreneurs en utilisent plusieurs pour arriver à un chiffre qui fera consensus. Reste la part de négociation. La vente d’une entreprise est une opération de gré à gré sans véritable règle. On a déjà vu des sociétés pourries, sur-vendues, et de belles affaires qui ne trouvent pas preneur.

Il y a, bon an, mal an, 100 000 entreprises à vendre chaque année en France et 40 000 d’entre elles, en bonne santé, ne trouvent pas preneur. Peut-être parce qu’il y a aussi 60 000 entreprises qui déposent le bilan en France chaque année : autant de cibles pour les repreneurs, à prix cassé.

 

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