Le 24 février 2022, la Russie a déclaré la guerre à l’Ukraine et ses troupes ont pénétré le territoire ukrainien. Pour la première fois depuis 1966, la menace nucléaire a été explicitement brandie.

Au-delà du conflit militaire, quels sont les enjeux pour vos finances personnelles ? Les premières conséquences sont déjà visibles : à coup de sanctions réciproques, les économies occidentales et russes vont se séparer. Or, la France est le premier investisseur étranger en Russie. Premières conséquences immédiates : perte de débouchés commerciaux pour les entreprises et renchérissement du coût de l’énergie (pétrole, gaz…) ou du blé. Outre le contexte anxiogène, cela signifie une perte de pouvoir d’achat pour les français, un impact sur la consommation et une moindre croissance qu’escomptée.

Pour chaque grand compartiment financier, voici les enjeux :

Actions et marchés financiers

Scenario envisageable :

Les pays occidentaux ont acté un bouclage économique de la Russie, notamment en déconnectant le pays des échanges mondiaux via son éviction du système d’échanges financiers Swift. Hors énergie, les échanges entre la zone Euro et la Russie ne sont pas très importants : la Russie ne pèse que 2,6 % des exportations de la zone Euro. Pas anodin, mais rien de majeur.

Le cours des sociétés françaises exposées au risque russe va souffrir du conflit et des restrictions économiques. Danone et Renault réalisent 6 % de leurs chiffres d’affaires en Russie. L’Oréal et Pernod Ricard : 3 %. La Société Générale est exposée à hauteur de 3% de ses activités, certes pas autant que la banque autrichienne Raiffaisen qui l’est à hauteur de 20 %.

Les actions les plus touchées sont celles des sociétés russes et notamment sa vitrine gazière Gazprom : le blocage européen lui ferme son premier débouché commercial. En complément, la monnaie russe, le rouble, s’effondre. Après l’Ukraine, la première économie qui va être touchée est l’économie russe.

C’est sans doute le secteur financier qui va donner le tempo du marché et on peut craindre un raidissement de ce secteur qui va entrainer le reste de l’économie dans le ralentissement. Traduction boursière : baisse probable des cours, comme après la première guerre du Golfe en 1990 (-20 % en deux mois), avant un retour à la normale qui sera plus long pour les sociétés exposées au marché russe.

 

Opportunité :

Le vieil adage boursier « acheter au son du canon » reprend du service. La baisse probable des cours des actions va créer des opportunités pour les investisseurs « liquides », qui pourront investir et mécaniquement voir leur patrimoine augmenter au moment du rebond des marchés.

Les métaux et les matières premières devenant plus rares, les denrées agricoles plus chères, les titres des compagnies minières et des géants de l’agro-alimentaire non exposés en Russie seront recherchés. De même que les industriels fabricants d’armes : les actions Dassault Aviation et Thales sont déjà à la hausse.

Attendre la chute des cours pour acheter des titres de valeurs occidentales exposées en Russie, à prix bradé, peut être la bonne affaire du moment. La Société Générale a perdu 25 % de sa valeur en quelques heures. Le cours du distributeur allemand Metro, qui réalise 10 % de son chiffre d’affaires en Russie, a perdu 30 %.

Autre possibilité : parier sur un conflit court et rafler des titres de sociétés russes au prix de la casse (à supposer que le système financier international vous le permette). La bourse russe a perdu 35 % de sa valeur dans la seule journée du 24 février.

Immobilier

Scenario envisageable :

Le raidissement su secteur bancaire va alimenter une plus grande sélectivité des banques qui viendra s’ajouter aux injonctions du HCSF. Les conditions de crédit vont devenir plus restrictives alors, qu’en même temps, les taux d’intérêt repartent à la hausse. Ces deux moteurs combinés vont réduire les possibilités de recours à l’emprunt, et l’impact sera immédiat sur le marché immobilier dont les prix ont été en surchauffe en 2021.

Conséquence : à horizon un an, on peut raisonnablement estimer que les prix immobilier vont encaisser une baisse de 10 % ou plus (c’était la baisse des prix entre 1990 et 1991, après le déclenchement de la première guerre du Golfe). Globalement, les prix peuvent baisser jusqu’à ce que la solvabilité des acheteurs soit recouvrée, et cela pourra prendre plusieurs années.

 

Opportunité :

Les acheteurs et les investisseurs vont reprendre la main. Attendre, c’est la garantie d’acheter moins cher. Il faudra par contre surveiller l’évolution des taux d’intérêt, dont la remonté compensera en partie la baisse des prix.

 

Crypto-monnaies

Dans la journée du 24 février 2022, les bourses ont plongé. Le CAC 40 a perdu près de 4 %. Dans le même temps, le Bitcoin n’a perdu que 2,3 % et reprenait même 1 % 24 heures après l’attaque russe. Dans les faits, après avoir interdit les crypto-monnaies en janvier, les autorités russes les ont à nouveau autorisées en février, et pour cause : non seulement les russes possèdent 12 % de l’encours crypto dans le monde, mais les crypto-monnaies jouent, pour les russes, le rôle de valeurs refuges au moment où le rouble russe s’effondre et où les avoirs tangibles des oligarques sont gelés. Avec les cryptos, ils pensent échapper aux restrictions.

 

Scenario envisageable :

Les investisseurs en crypto-monnaies revendiquent la confiance dans un système financier décentralisé. Ils tiennent la démonstration de leur vérité ; les états occidentaux également, qui vont sérieusement s’occuper de la légalité d’avoirs qui hébergent l’argent des oligarques qui financent la guerre russe. Un double chemin se présente avec, d’un côté, des crypto-monnaies accueillant un argent sale et, de l’autre, les mêmes crypto-monnaies représentant des valeurs refuges. Il n‘est pas interdit de penser que les autorités occidentales vont saisir l’opportunité de l’illégalité des cyber-monnaies non gouvernementales.

 

Opportunité :

Le cours des crypto-monnaies est décorrélé de l’économie réelle et n’obéit pas aux mêmes logiques. On peut y investir de façon défensive pour faire échapper une partie de son patrimoine aux aléas « terrestres », mais l’effondrement des cours est aussi à envisager. Les plus grosses plateformes d’échanges sont basées dans des pays occidentaux : si les autorités centrales interdisent la convertibilité cryto – devises (dollar, euro, livre sterling…), les avoirs en crypto-monnaies ne vaudront plus rien.

 

Or, métaux précieux, matières premières, sources d’énergie

L’or est la valeur refuge par définition. Le cours de l’or a bondit de plus de 7% dans la seule journée du 24 février. La fermeture de l’économie russe au monde va entraîner un renchérissement généralisé des matières premières, des métaux précieux (or, argent, palladium…) des sources d’énergie, ce qui va soutenir l’inflation. Le risque est un retour de la stagflation : stagnation économique et forte inflation.

 

Scenario envisageable :

Les détenteurs de métaux précieux et de sources d’énergies vont voir leurs avoirs augmenter. Paradoxalement, des sociétés comme Total, qui est fortement engagée en Russie, va bénéficier du renchérissement généralisé du prix de l’énergie. Les matières premières, les sources d’énergie (pétrole, gaz, charbon, électricité…) et les métaux précieux vont augmenter.

 

Opportunité :

Défensif, achetez de l’or. Vous bénéficierez de son renchérissement dans les prochaines semaines. Opportuniste et sans scrupule, achetez au prix de la casse du moment, des actions de grosses sociétés russes exploitant des mines ou des sources d’énergie. Avec un peu plus d’éthique, investissez dans des sociétés occidentales dans les mêmes secteurs d’activités.

 

Livret A, assurance – vie, PER…

Les placements réglementés tels que le Livret A ou le Livret de Développement Durable sont garantis par l’Etat, donc des placements stables. Pas de conséquences particulières pour ce type de placements, qui ne couvrent plus l’inflation, mais garantissent le capital.

Concernant l’assurance-vie et les PER, les contrats sont très variés : ceux qui sont investis en actions sont plus exposés que ceux qui sont placés en obligations d’Etat. Il est nécessaire de réviser le contenu de ces placements. Sécurité ou opportunité ? C’est le moment d’arbitrer, mais chacun devra choisir en fonction de ses priorités et de sa vision des enjeux géopolitiques et économiques.

 

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