La scène se passe chez un notaire de province. Dans la tristesse du décès, les trois enfants du défunt se retrouvent dans le bureau du notaire, et là, surprise : l’immeuble qu’ils comptaient se partager a été vendu en viager, les bijoux de famille ont disparu, une assurance-vie a privilégié l’un des trois héritiers, le solde des comptes en banque ne sont pas du tout au niveau du train de vie du défunt et, par testament, le défunt a fait un legs à la SPA. Sans parler de ces deux autres inconnus présents dans la pièce : deux enfants conçus hors mariage, reconnus par le défunt, et avec qui il va falloir partager !

Et Napoléon protégea l’héritage des enfants

Tous les héritiers doivent une fière chandelle à Napoléon. Depuis 1804, son code protège les enfants d’un défunt : ils héritent systématiquement de la « réserve héréditaire ». Cette part est calculée selon le nombre d’héritiers selon un barème précis. Par exemple, si un défunt a deux enfants vivants, ceux-ci se verront attribuer les 2/3 de l’héritage, le défunt pouvant faire ce qu’il souhaite du tiers restant ( la « quotité disponible »), et peut avoir exprimé ses volontés dans un testament.

 

Dans la réalité, il existe plusieurs moyens de vous déshériter

L’assurance-vie

Les bénéficiaires des sommes versées sur un contrat d’assurance-vie sont librement désignés par le souscripteur du contrat. En dehors des aspects fiscaux, c’est donc l’opportunité de dévier une partie d’un héritage à votre dépend (ou en votre faveur).

 

Les donations

De son vivant, tous les 15 ans et dès ses 50 ans, un particulier peut faire des donations au profit de ses enfants ou petits enfants. C’est autant de moins dans l’enveloppe de l’héritage. Fiscalement attrayant par la réduction des droits de succession occasionnée, mais aussi l’opportunité d’un arbitraire du défunt envers ses héritiers. Cependant, les donations doivent être réintégrées dans l’héritage lorsqu’elle empiètent sur la réserve héréditaire. Il y a plus pratique et plus fréquent : les présents d’usage et les dons manuels. Une fois le décès survenu, difficile de contester que la mère avait confié ses bijoux (et quels bijoux ?) à un de ses enfants et pas aux autres…

 

Les soustractions

La disparition de biens mobiliers ou d’espèces est d’autant plus difficile à tracer qu’il faut avoir eu connaissance de leur existence. Encore plus quand cette existence a été dissimulée des années durant et notamment au fisc. Les comptes à numéro des banques suisses ont longtemps permis ce type de soustractions.

 

Le viager

L’ennemi juré des héritiers ! Si le défunt a contracté un viager, à son décès, le bénéficiaire (le « débirentier ») récupère le bien objet du viager, au détriment des héritiers.

 

Le « comportement indigne »

Soyez rassuré : être en froid avec ses parents ou ne pas leur avoir parlé depuis des années n’est pas sujet à qualification de « comportement indigne » par la justice. Pour cela, il faut avoir commis des actes lourds en direction du défunt, comme un assassinat ou une tentative, sinon des actes de barbarie : dans ce cas, la justice peut exclure l’héritier fautif de la succession.

 

L’évitement

Peut-être êtes-vous éloigné d’un parent dont vous seriez dans l’ordre des héritiers ? D’autres héritiers plus proches du défunt se satisferont peut-être d’éviter de vous prévenir du décès et de signaler votre existence. De même, il arrive qu’en cas d’absence d’héritiers directs, le notaire chargé de régler la succession ne soit pas suffisamment engagé dans la recherche d’héritiers plus lointains : l’Etat hérite alors à votre place.

 

Résidence à l’étranger : l’arme absolue du déshéritage

Dans certains pays comme les Etats-Unis ou le Royaume Uni, le défunt peut choisir librement ses héritiers. Si le défunt avait élu résidence dans un de ces pays, la loi locale s’appliquera au moment de l’héritage et a pu permettre au défunt de choisir librement les bénéficiaires de son héritage, sans part réservataire. Exit, la règle du Code Napoléon ; évaporée, votre réserve héréditaire…

 

“Nos études sont des égouts que l’on ne peut curer”

En dehors du défunt, il existe d’autres sources de déshéritage et elles viennent en général des co-héritiers. Ils peuvent avoir dissimulé un testament qui leur était défavorable, avoir soustrait des sommes avant le décès du parent, ou fait réalisé des évaluations de biens défavorables à d’autres héritiers.

Dans tous ces cas, l’héritier lésé peut saisir la justice pour obtenir réparation, charge à lui d’apporter les preuves suffisantes. La façon la meilleure et la plus consensuelle de régler un héritage doit être à l’initiative du futur défunt. Tous n’ont pas la volonté de la transparence ni de l’équité.

Balzac faisait dire à Derville, le notaire du Colonel Chabert  : « Nos études sont des égouts que l’on ne peut curer. J’ai vu brûler des testaments. J’ai vu des mères dépouillant leurs enfants, des maris volant leurs femmes ».

 

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